citations

Diverses visions de la psychothErapie

Il n’y a pas de définition claire et univoque, cela tient aussi bien à la richesse du champ qu’à des différences de postures anthropologiques, ainsi il faudrait envisager plusieurs d’orientations différentes permettant d’esquisser le « champ sémantique » du concept de psychothérapie et alors, suivant le conseil de

Gaston Bachelard : « En méditant philosophiquement sur chaque notion, on verrait aussi plus clairement le caractère polémique de la définition retenue, tout ce que cette définition distingue, retranche et refuse », pour voir se dégager des aspects essentiels appartenants à différentes conceptions, et peut-être prendre ainsi conscience de nos propres penchants, de notre propre philosophie spontanée.

Larousse « Ensemble des techniques dont les effets thérapeutiques découlent du maniement de la relation thérapeute-patient et dont l’objectif est de corriger des troubles qui paraissent être la résultante d’un conflit psychique interne. »

Une définition plus détaillée – mais un peu datée (1967)- est proposée par le « Vocabulaire de la psychanalyse » de :

Laplanche et Pontalis « A / Au sens large, toute méthode de traitement des désordres psychiques ou corporels utilisant des moyens psychologiques et, d’une manière plus précise, la relation du thérapeute et du malade : l’hypnose, la suggestion, la rééducation psychologique, la persuasion, etc. ; en un sens la psychanalyse est une forme de psychothérapie.
B/ Dans un sens plus étroit, la psychanalyse est souvent opposée aux différentes formes de psychothérapie, ceci pour toute une série de raisons, notamment : l’interprétation du conflit inconscient, l’analyse du transfert tendant à la résolution de celui-ci.
C/ sous le nom de « psychothérapie analytique », on entend une forme de psychothérapie qui s’appuie sur les principes théoriques et techniques de la psychanalyse, sans cependant réaliser les conditions d’une cure psychanalytique rigoureuse.
»

Dans un sens adossé au paradigme médical et à celui de la psychologie scientifique nous commençons par une définition de W. Huber ( Psychothérapies, Nathan U., 1993), cité par Françoise Zannier (psycho-ressources.com):

W. Huber « L'intervention psychologique se définit comme une action professionnelle scientifiquement fondée et empiriquement évaluée (contrôlée) qui opère par des moyens et méthodes psychologiques, au niveau de l'expérience vécue et du comportement, ayant pour fin le développement ou la réhabilitation d'une personne, ou encore la prévention ou le traitement de troubles. Le traitement ou la thérapie de troubles déjà manifestes… n'est pas poursuivi par la seule psychothérapie au sens restreint, mais plus généralement par toute intervention psychologique clinique. La notion de psychothérapie ne couvre donc qu'une partie de toutes les interventions faites sur des troubles ». Et encore :
« Une classification ordonne les méthodes d'intervention en fonction de leur centre de gravité en distinguant trois groupes (prévention, réhabilitation et conseil ; intervention de crise et accompagnement ; psychothérapie au sens restreint) ».

Et plus récemment (2004) selon une formulation qu’il faut bien reconnaître plus pauvre et plus étroite, la définition de l’amendement Accoyer.
«
Les psychothérapies constituent des outils thérapeutiques utilisés dans le traitement des troubles mentaux.
Les différentes catégories de psychothérapies sont fixées par décret du ministre chargé de la santé …
» (Article L. 3231, Livre II de la troisième partie du code de la santé publique).
Ce texte et les débats qu’il a suscités interrogent sur le bien-fondé d’une Loi bâtie à la hâte sur des présupposés à la fois aussi vagues et aussi restrictifs.
Devant tant d’indigence écoutons les paroles prononcées il y a plus d’un siècle par le « père de la psychanalyse » au « Collège des médecins » :

Freud « Aujourd’hui encore, bien des médecins considèrent que la psychothérapie est le produit d’un mysticisme moderne, qu’elle semble, lorsqu’on la compare aux remèdes physico-chimiques appliqués en se fondant sur les connaissances physiologiques, quelque chose de foncièrement anti-scientifique et qu’elle est indigne d’intéresser les chercheurs sérieux. Donc permettez-moi de défendre devant vous la cause de la psychothérapie et de vous montrer, ce qui dans sa condamnation, peut-être considéré comme injuste ou erroné.
Et, tout d’abord, laissez-moi vous rappeler que la psychothérapie n’est nullement une méthode curative nouvelle. Bien au contraire, c’est la forme la plus ancienne de la thérapeutique médicale.
» (Freud, La technique psychanalytique, PUF,1953)
En particulier nous sommes, avec la « définition Accoyer », bien loin des philosophies antiques conçues comme « thérapies de l’âme », mais y a-t-il pour autant progrès dans la vision de l’homme ?
Une réponse de Socrate dans le Théétète nous dit que le philosophe – thérapeute est un accoucheur d’âme, son art c’est la maïeutique, celui du « sage-homme ».


Socrate « Mais le principal avantage de mon art, c’est qu’il rend capable de discerner à coup sûr si l’esprit du jeune homme enfante une chimère et une fausseté, ou un fruit réel et vrai… Je ne suis pas du tout sage moi-même et je ne puis préciser aucune trouvaille de sagesse à laquelle mon âme ait donné le jour ; mais ceux qui s’attachent à moi, bien que certains d’entre eux paraissent au début complètement ignorants, font tous, au cours du commerce avec moi, si le dieu le leur permet, des progrès merveilleux, non seulement à leur jugement, mais à celui des autres. Et il est clair comme le jour qu’ils n’ont rien appris de moi et qu’ils ont eux-mêmes trouvé en eux et enfanté beaucoup de belles choses. Mais s’ils ont accouché, c’est grâce à Dieu et à moi… Ceux qui s’attachent à moi ressemblent encore en ce point aux femmes en mal d’enfants : ils sont en proie aux douleurs et sont nuit et jour emplis d’inquiétude plus vives que celles des femmes. Or ces douleurs mon art est capable de éveiller et de les faire cesser. Voilà ce que je fais pour ceux qui me fréquentent. Mais il s’en trouve, Théétète, dont l’âme ne me paraît pas grosse. Quand j’ai reconnu qu’ils n’ont aucunement besoin de moi, je m’entremets pour eux en toute bienveillance et, grâce à Dieu, je conjecture fort heureusement qu’elle compagnie leur sera profitable(Platon ; Théétète, trad. E. Chambry, p.71-72, Flammarion)

Bien loin aussi des Thérapeutes selon Philon d’Alexandrie (20 Av JC, 30 ou 40 Ap JC)
Rappelons que « Therapeutès » est formé sur le verbe servir et prendre soin. Le Thérapeute est donc celui qui prend soin de l’être dans sa totalité, corporelle, psychique et spirituelle. Ecoutons ce qu’en dit Philon il y a deux mille ans :

Jean-Yves Leloup « Je vais donner aux thérapeutes et aux adeptes de la vie contemplative (theorian) la part qui leur revient. Je n’ajouterai aucun embellissement de mon cru comme le font d’ordinaire les gens de lettres. Je m’attacherai au simple dévoilement de ce qui est (aletheias) avec courage, car il ne faut pas que le grand mérite de ces hommes laisse sans voix ceux qui jugent qu’on ne peut laisser ce qui est beau voilé de mutisme.
Leur nom révèle le projet de ces philosophes, on les appelle Thérapeutes, d’abord parce que la médecine (iatrikè) dont il font profession est supérieure à celle qui a cours dans nos cités – celle-ci ne soigne que les corps, mais l’autre soigne aussi le psychisme (psukas) en proie à ces maladies pénibles et difficiles à guérir que sont l’attachement au plaisir, la désorientation du désir, la tristesse, les phobies, les envies, l’ignorance, le non-ajustement à ce qui est, et la multitude infinie des autres pathologies (pathon) et souffrances
» (Philon d’Alexandrie commenté par Jean-Yves Leloup, Prendre soin de l’Être )

la psychologie analytique jungienne

Jung « L'analyse est un travail où analyste et analysant sont impliqués tous les deux dans une recherche intérieure et une confrontation aux contenus de l'inconscient. "Le travail thérapeutique requiert l'homme tout entier ». (Jung, L'homme à la découverte de son âme)

« Avoir une âme, c'est l'aventure de la vie. »

« Un grand nombre de méthodes, de points de vue, d’opinions, de convictions, qui se combattent les unes les autre surtout parce qu’elles ne veulent mutuellement ni se comprendre, ni s’admettre. La multiplicité et la diversité des conceptions psychologiques contemporaines est vraiment étonnante ; elle est faite pour dérouter le profane, qui ne parvient pas à une vision d’ensemble. » ( La guérison psychologique )

Ce que Jung a écrit il y a plus de soixante dix ans reste d’une criante actualité.
La psychologie analytique, telle qu’il la concevait en 1935, peut être organisée selon quatre plans :

« Si donc j’essaie de partager en quatre classes, ou mieux de répartir en quatre échelons ses intentions et ses ressources, il ne s’agit – je le souligne avec la plus extrême réserve – que d’une entreprise provisoire, à laquelle on peut reprocher le même caractère arbitraire qu’à un réseau trigonométrique étendu sur un pays. Quoi qu’il en soit, nous allons tenter de considérer l’ensemble de cette psychologie selon quatre degrés, à savoir ceux de la «confession », de la « mise en lumière », de l’« éducation » et de la « métamorphose ». (Jung, la guérison psychologique, Librairie de l’université Georg et Cie, Genève, 1984, première Edition, 1953)

Nous donnerons un aperçu de ce Jung veut nous dire sous ces dénominations pour le moins singulières et qui ne correspondent pas tout à fait notre langage actuel.
Le premier degré, nous renvoie aussi bien au traitement antique des « maladies de l’âme » qu’à la forme que cela a pu prendre dans la perspective religieuse des « cures d’âmes », mais surtout à la signification et à l’origine du trouble : le secret à la source du trouble ?

Jung « L’antique modèle de tout traitement analytique peut être trouvé dans la confession … La possession de secrets agit comme un poison psychique qui rend le porteur étranger à sa communauté …En général les dégâts suscités par un secret inconscient sont plus considérables que si ce même secret était conscient. »
D’où : « Le nom même qui fut donnée à la première méthode employée, celui de catharsis ou purification » qui renvoie aux initiations grecques antiques.
« Il est de toute évidence que la psychologie nouvelle serait restée au degré de la confession, si la catharsis s’était confirmée être une panacée, En fait il n’en est rien
. »
Le degré suivant, Jung le nomme la mise en lumière, ça va être l’essentiel de la découverte freudienne, des dynamismes inconscients.
(suite en construction)

Le quatrième degré, qui correspond à la spécificité de la méthode jungienne, il l’appellera le processus d’individuation. C’est sur lui-même qu’il sera en quelque sorte amené à le découvrir.
Ne nous dit-il pas au commencement de son ouvrage biographique (« Ma vie », Gallimard 1973. Traduction par Roland Cahen, de l’édition originale parue en 1961.)

Jung « Ma vie est l’histoire d’un inconscient qui a accompli sa réalisation.»

Cet accomplissement est le processus d’individuation du Soi :

Jung « Après ce long périple où j'ai essayé de ne rien vous cacher ni des joies, ni des douleurs essayons de conclure. L'individuation est un long et merveilleux voyage : le voyage de la vie. L'individuation est un déroulement qui doit nous amener à un état d'être qui a poussé en nous et nous a aidés à réaliser notre totalité psycho-biologique consciente et inconsciente, pulsionnelle et spirituelle. Il ne s'aurait s'agir d'une construction arbitraire. Une individuation réussie ne peut être que l'aboutissement d'un honnête travail vis-à-vis de soi-même seul avec un tiers, d'un dur labeur déterminant un déroulement d'une évolution, d'une maturation. L'individuation, c'est se désidentifier. C'est devenir un individu. C'est s'individualiser après avoir digéré tous les apports extérieurs et réalisé ses propres structures. L'individuation, ce n'est pas rejeter tout ce qui vient du dehors, c'est le recevoir, le digérer, l'intégrer, le faire sien tout en préservant sa propre individualité. L'individuation, c'est faire vivre harmonieusement tout ce qui nous constitue, tout ce qui nous vient de l'inconscient personnel, familial, collectif, réunir nos deux pôles féminin et masculin, notre persona et notre ombre, notre esprit, notre cœur et notre corps. L’individuation, c'est marier en soi l'héritage familial, social, religieux et ce qui nous appartient en propre, ce qui fait que nous sommes un individu différent de l'autre, ce quelque chose qui nous fait unique ».

La principale disciple de Jung, Marie-Louise Von Franz, dans son livre « La délivrance dans les contes de fées » nous éclaire sur la spécificité de la démarche jungienne :

Marie-Louise Von Franz « La plupart des écoles psychologiques contemporaines élaborent leur théorie de l'homme à partir d'un présupposé tacite qui prétend savoir ce qu'est la maladie psychique et connaître les règles ou les critères collectifs de la normalité humaine. Il s'insère de ce fait un élément de manipulation plus ou moins important dans l'ensemble des thérapies médicales (...) À l'opposé de cette façon de voir, la thérapie selon C.G. Jung pourrait être qualifiée d'"homéopathique". En effet, nous ne pensons pas savoir ce qui est bon pour le patient; en revanche, nous faisons confiance aux tendances naturelles d'autoguérison de la psyché. C'est pourquoi cette thérapie porte toute son attention sur la compréhension de ces forces d'autoguérison et s'efforce de les favoriser, sans plus. Toutefois, nous ne saurions comprendre ces tendances de l'âme vers la guérison sans arriver à "déchiffrer" le langage onirique par lequel s'exprime la nature psychique. Cela représente un travail ardu auquel Jung a consacré toute sa vie et toute son oeuvre. »

Dans la même veine :

Elie G. Humbert « L’analyse peut être considérée comme l’équivalent d’une initiation pour l’inconscient européen, mais il s’agit d’une initiation qui passe par la connaissance de soi et qui se développe par le double mouvement de donner la parole aux dynamismes inconscients les plus profonds et de devenir conscient des autres et de soi-même ». (Anne Fraisse « La fontaine de feu » ed. Albin Michel, introduction d’Elie G. Humbert)

Et dans un une certaine continuité, nous pouvons entendre un disciple de Charles Baudoin, lui-même contemporain de Jung :

Paul Montangerand « Le but de la thérapie n’est pas de colmater un manque inhérent à la condition humaine, mais d’instaurer un mouvement relationnel intérieur entre conscient et inconscient, débouchant vers l’extérieur, où nous pouvons rencontrer autrui dégagé de nos projections » (Paul Montangerand, La voie du cœur, chemin du thérapeute)

L’Ecoute thErapeutique

Jean-Louis Chrétien « La première hospitalité n’est autre que celle de l’écoute. C’est celle que corps et âme nous pouvons donner jusque dans la rue et sur le bord des routes, quand nous n’aurions à proposer ni toit ni feu ni couvert. Et c’est à tout instant qu’elle peut être donnée. De toutes les autres hospitalités, elle forme la condition, car amer est le pain que l’on mange sans que la parole ait été partagée, durs et lourds d’insomnie sont les lits où l’on se couche sans que notre fatigue ait été accueillie et respectée…La fraîche ampleur de cette hospitalité lui vient de son humilité. Première elle est, certes, mais nul ne l’a inaugurée. Aucun homme n’a commencé d’écouter. Nous ne pouvons l’offrir que pour y avoir toujours été reçus. Elle fait corps avec la transmission même de la parole. Pour parler, il faut que je puisse m’entendre, mais pour m’entendre, il faut qu’on m’ait, de façon prévenante, c’est – à - dire en me devançant, en venant au devant de moi, entendu et parlé. Nous avons été écoutés avant même que de parler. Entre nos oreilles et notre voix, il y a toujours déjà d’autres voix et d’autres écoutes. L’hospitalité de l’écoute a donc quelque chose de banal, au sens où l’on parlait autrefois d’un four banal, c’est-à-dire de commun. C’est dans un espace commun, mieux, c’est dans ce qui fonde toute communauté possible que nous accueillons l’autre. Dans l’écoute véritable, je tiens lieu de tout autre homme, et aussi bien nul n’ignore qu’il n’y a pas d’attention sans une sorte d’effacement. …Pour autant, cette écoute tendue vers l’inouï n’a rien d’une muette contemplation. Heidegger a profondément montré que parler, c’est écouter, et qu’écouter, c’est parler ». ( Jean-Louis Chrétien, L’arche de la parole )

La relation

Paul Montangerand « Au commencement était la relation. Jung affirme qu’il est impossible de séparer la confrontation avec notre inconscient de la relation à autrui. Celui qui s’isole ne peut être entier : « La réalisation consciente de l’unité intérieure est inséparable de la relation humaine, qui est une condition indispensable, car sans lien consciemment reconnu et accepté avec le prochain, il n’y a pas de synthèse de la personnalité. »
La relation du thérapeute à l’autre est du même ordre que la relation à lui-même. Or, écrit Elie Humbert : «l’analysant rencontre la fonction médiatrice de son analyste. Elle est féminine en l’homme (anima), masculine en la femme (animus). »
La fonction de relation du thérapeute (anima ou animus) s’exprime :
- Dans ses interprétations
- Dans son écoute ; écoute avec le cœur et non avec la tête.
- Dans ses gestes, le ton de sa voix,
- Dans la qualité de son silence qu’il ne peut acquérir que par l’exercice quotidien de la méditation. Silence plein d’une présence authentique.
- Dans son respect inconditionnel de l’autre.
- Elle se manifeste aussi par son mode de vie, dans son rythme de travail, et même dans l’ameublement de son bureau.
Que d’erreurs commises au nom de la sacro-sainte psychanalyse, lorsque le rapport n’est plus humain, mais uniquement intellectuel !»

Paul Montangerand «Seule la sortie du fusionnel permet, par différenciation, l’élaboration d’une alchimie intérieure, où chacun des partenaires devient humain en s’ouvrant à l’infini de l’autre.
Le chemin de chacun et vers lui-même passe par sa relation à un autre.
C’est par la femme que l’homme peut découvrir son intériorité, comme c’est par l’homme que la femme découvre ce qu’il y a de plus caché en elle. Médiatrice de l’homme, la femme peut lui dévoiler son être dans son entièreté, comme l’homme est médiateur pour la femme. La relation est fondamentale, elle est fondatrice des êtres en présence. La conscience ne peut être conscience de soi que dans la mesure de sa reconnaissance par un autre.
En cette dialectique se joue un moment décisif du devenir humain. La rencontre n’est pas l’expérience de la complémentarité, mais ouverture en chacun d’une dimension « autre » de l’humain ; l’homme découvre alors son anima, et la femme son animus qui jusqu’alors étaient indifférenciés. L’autre est celui qui m’ouvre à une dimension nouvelle.
Il n’est de rencontre authentique que celle passant par la reconnaissance et l’acceptation d’une double différence : celle de l’autre, et celle de mon intériorité, dans un même mouvement vers l’infini du Tout Autre.»

L’amour
Paul Montangerand « La paix intérieure ne peut être atteinte que lorsque le pouvoir de l’Amour a remplacé l’amour du pouvoir.
Celui qui est grand est celui qui connaît ses faiblesses, et qui humblement les convertit en puissance de transformation. C'est-à-dire que ses faiblesses sont l’occasion d’une évolution vers une plus large prise de conscience. La voie consiste à prendre appui sur les expériences et les exigences de notre vécu quotidien, afin de nous hisser vers un autre niveau d’être.

Nous ne pouvons atteindre la paix intérieure qu’en acceptant que notre guide suprême soit l’unité dans la multitude et la multitude dans l’unité. Cela est l’œuvre d’Eros conduisant à Agapè, où l’important n’est pas d’être aimé, mais d’aimer gratuitement, sans aucune attente.
La paix intérieure s’instaure lorsque nous réalisons cette vérité suprême : l’Amour est révélation de la Vie.
Si tu me dis ta difficulté à accepter la lente évolution de tes patients, je laisse Paul Valéry te répondre :
« Patience, patience,
Patience dans l’azur !
Chaque atome de silence est la chance d’un fruit mûr. »
Tu as bien entendu : « chaque atome de silence », de ton silence intérieur, c’est-à-dire de ton lâcher-prise, de ton jeune intellectuel. Tout ce que tu vis dans la méditation, qui est la seule préparation à l’art thérapeutique, mets-le en pratique…
Le thérapeute est celui qui espère, celui qui sait attendre, une attente qui se situe à l’opposé de l’indifférence, une attente qui est disponibilité et vacuité
» …(Paul Montangerand, La voix du cœur, chemin du thérapeute )
La souffrance
Karlfied Graf Dürckheim « Plus un homme se trouve dans une situation ou une souffrance qui lui paraissent inacceptables, plus il est proche de la possibilité d’une expérience initiatique, à supposer qu’il admette la règle fondamentale de ce qui est exigé ici : l’acceptation de l’inacceptable. Alors la chance est offerte de faire un pas en avant, de monter une marche ou même de percer un mur. Plus l’impasse est étroite et sans issue, plus le saut devient indispensable. Il s’agit d’une voie sans issue. Accepter ce qui est sans issue ? Non, bien plus encore, non seulement accepter, mais entrer dans l’impasse totale. Exigence paradoxale, mais en elle se trouve la vérité transcendantale et la croissance du psychisme, d’un ailleurs qui ne dépend pas du conscient, mais que celui-ci doit accueillir et prendre en compte pour son évolution future. C’est là que se vit parfois un conflit douloureux. Elie Humbert disait :
« Si vous voulez savoir là où vous pouvez faire l’expérience de quelque chose qui vous dépasse, tenez-vous à l’endroit où se trouve votre conflit le plus vif, là où vous êtes coincé, là où il n’y plus de chemin tracé, là où il n’y a personne pour vous aider. C’est la nuit obscure de saint Jean de la Croix. C’est la rencontre avec le sacré quand la lumière se fait.
» (Karlfied Graf Dürckheim, Méditer pourquoi et comment)

Yves Prigent « Les adultes rigides, invétérés, résolument adaptés, hyper adaptés au froid, à la mécanique, à l’automation, ceux qu’on appelle « normosés » pour laisser entendre qu’être normal à ce point, c’est vraiment anormal, je ne les vois pas. Winnicott prétend qu’ils n’ont pas assez de santé pour tomber malades, pour oser être à terre. Si on se déprime, si on craque, c’est que l’adulte n’a pas tout à fait étouffé l’enfant, c’est que le désir se sent capable de prendre le pouvoir, à sa manière, par un coup de faiblesse. ……
La dépression, noces tragiques de la vie et de la mort, peut faire naître le désir souverain.
C’est je l’ai dit, presque toujours, peut-être toujours par un « coup de faiblesse ». Trouver, retrouver la foi dans l’autorité souveraine de son désir, se retourner, se retrouver en son centre, s’autoriser radicalement, humblement, sérieusement à exister, se fait par le passage d’une sorte de mort, d’une peine éveillante, d’une chute sur le sol véridique, d’un silence de la tête bavarde et menteuse, d’un retour sur la route bien droite du « progrès » et de la « réussite ». Accepter et en quelque manière se donner à soi-même cette mort, cette peine, cette chute, ce silence, ce recul est un courage, un signe de santé et d’espérance……
Rejouer, récapituler dans sa vie son répondant, son autre face, la mort, vivre cette mort symboliquement c’est-à-dire profondément, radicalement et en renaître autre, autrement, ailleurs est l’histoire de toute dépression véridique qu’elle ait ou non été baptisée ainsi par la médecine. Se déprimer profondément, réellement et guérir c’est rejouer dans son corps que la vie est plus libre d’être passée par la mort, que le désir est capable de renaître, de ressusciter, réparateur et créateur, libre et mobile
. »
(Yves Prigent, L’expérience dépressive, ed. Desclée de Brouwer)
La joie
Denis Vasse « Personne ne peut dire qu’il est dans la joie, et pourtant tout le monde sait ce que c’est. Tout le monde aspire à la joie, car sans elle nous n’avons pas de place dans la vie. On court tous après, souvent d’une manière désordonnée, sur le mode de la jouissance. Or elle est donnée lorsqu’on s’arrête de courir après, de la vouloir comme un dû à l’effort ou à la volonté propre. Là où nous cessons d’être aliénés dans notre image au vouloir du moi,, l’Autre, secrètement, inconsciemment, informe en nous le sujet. L’eau du désir surgit de la source de l’Autre et nous ne le savions pas. Celui que nous désirions est à la source de notre désir ! La joie naît de cette reconnaissance : elle est vie en se reconnaissant en l’autre. Elle est jouissance nouvelle : re-jouissance. » (Denis Vasse, La dérision ou la joie)

L’homme et la femme, la relation, le dEsir
Elie G. Humbert « La réalité de l ‘amour vient de la conjugaison de la perte et du lien. Elle vient du fait qu’il y a ce lien, du fait que nous ne sommes pas, profondément, seuls, du fait qu’il y a vraiment l’autre et que cet autre est vraiment différent, parce que j’ai perdu tout ce qui de moi se mélangeait à lui, parce que ça s’est défait, parce que le deuil est venu. Telle est la toute nouvelle dimension d’aimer. L’homme et la femme d’aujourd’hui prennent conscience d’eux-mêmes par le mouvement qui approfondit leur relation. Cela est assez nouveau dans l’histoire de l’humanité…… Nous allons vers une culture du sentiment, une culture de l’eros, vers une culture de l’éthique, c’est-à-dire la culture de ce qui se vit dans la relation » (Elie G. Humbert cité dans Anne Fraisse « La fontaine de feu », Enseignement et initiation avec E.G.Humbert).

Denis. Vasse « Le désir n’est pas le besoin, la sortie de l’illusion du besoin ne se fait pas latéralement, par transgression d’une limite inerte, comme un coureur sortant de son couloir pendant une épreuve. Elle est bien plutôt de l’éclosion du besoin qui, dans l’enclos de son espace vient à mourir à lui-même. Lorsque la tige du besoin renonce à son infinie croissance, éclôt la fleur du désir. C’est en laissant se développer le besoin jusqu’au bout, en découvrant qu’il porte en lui le germe de sa propre mort, que l’homme renaît. » (Denis. Vasse, le Temps du désir, p. 45.)


Denis Vasse
« Il nous est possible de désirer quelqu’un pour lui-même, de l’aimer, dans l’exacte mesure où nous n’en avons pas besoin, où il nous est impossible de le consommer ou de le connaître.
…… Le jeu de la différenciation d’un homme par rapport à un autre est spécifique de toute communauté humaine, celle de la table familiale, celle du lit conjugal, aussi bien que celle de la cité. Le désir en est bien l’essence : il fait surgir dans le réseau serré des nécessités de la vie, le non-nécessaire de la présence. Il ne peut y surgir que sous forme d’absence médiatisée par la présence.
……La sortie de l’illusion du besoin ne se fait pas latéralement, par transgression d’une limite inerte, comme un coureur sortant de son couloir pendant l’épreuve. Elle est bien plutôt de l’ordre de l’éclosion du besoin, qui, dans l’enclos de son espace, vient à mourir à lui-même. Lorsque la tige du besoin renonce à son indéfinie croissance, éclôt la fleur du désir. C’est en laissant se développer le besoin « jusqu’au bout » (Jn 13, 1), en découvrant qu’il porte en lui le germe de sa propre mort, que l’homme renaît. La mort du besoin qu’il a du monde devient le signe du désir d’être dans le monde. ……
…… Dès lors, désirer quelqu’un, l’aimer, c’est accepter que son existence révèle en moi ce qui me manque pour être tout, c’est percevoir son absence en moi (ou de moi) comme la réalité de sa présence à lui-même (et en lui-même).
…… En renonçant au besoin qu’ils ont l’un de l’autre, ceux qui s’aiment se donnent et se redonnent sans cesse à eux-mêmes et aux autre. Ils se pardonnent. Une telle autonomie va jusqu’au risque accepté de la mort et de l’autre et de soi. Non qu’il s’agisse, bien sûr, de ne pas porter secours, mais parce que porter secours, ce n’est plus protéger l’autre de tout risque, c’est le jeter dans le risque inaliénable de sa propre vie.
…… Certes, l’enfant a besoin pour devenir un homme de tendresse et de caresses. « Pour rendre un homme vrai, dit une sentence hindoue, il faut l’aimer : tant qu’une jeune âme n’aura pas tout l’amour dont elle a besoin, elle ne sera pas vraie de sa propre vérité. » Mais si d’en être privés ou d’y renoncer ne nous rend pas moroses ou malheureux, c’est le signe que notre besoin d’aimer et d’être aimé se mue en désir de l’Autre, en ouverture sur un être dont la simple existence, insondable, nous révèle davantage notre être propre que la satisfaction réitérée de nos besoins d’où vient notre crainte de le perdre.
…… Ainsi l’amour est vie, vie qui unit les différences entre elles et dans leur différences même. Pour l’homme, cet amour de pur désir n’est accessible que par la médiation du besoin. Il n’est pas désir, il est corps de désir. Il est demandé à l’homme de transmuer le rapport de consommation, dans lequel il s’origine et sans lequel il meurt, en rapport de communion, dans lequel les différences ne s’acharnent plus à se faire disparaître en nourriture, mais peuvent se réaliser en inaliénables libertés. Lorsque la consommation peut devenir le signe d’une communion, apparaît l’homme.
……. Le temps est court, il faudrait traduire « le temps tourne court ». Car le temps de l’amour, c’est le moment présent. En renonçant à cela même dont il se sert, à son objet, l’amour suspend la figure de ce temps. Comme l’art. Aimer est un art qui transforme en réalité d’un monde-qui-dure, l’évanouissement du temps et de l’espace.
» (Denis Vasse, Le temps du désir )

Arnaud Desjardins « Vous ne pouvez pas aimer si vous ne vous aimez pas vous-même. Vous ne pouvez pas vous aimer si vous avez peur de vous-même. Vous ne pouvez pas éviter la peur de vous-même si vous vous fuyez. Et si vous vous fuyez, vous vous épuisez pour demeurer à la surface de vous-même et à la surface de l’existence. Comment voulez-vous atteindre la profondeur ?
N’ayez pas peur. La force de vie en nous, en vous, en chacun, est purement rassurante si nous la découvrons à sa source. Si vous retrouvez la vie, si vous osez vivre, si vous osez vous ouvrir, vous verrez combien ce qui, aujourd’hui, domine vos existences, les peurs, les souffrances, les drames, les attachements, les émotions, les pensées qui vous harassent, combien cette prison va déjà relâcher ses liens.
Choisissez de vivre
.» ( Arnaud Desjardins, L’audace de vivre )
La loi
Denis Vasse « Si le désir est l’essence de l’homme et s’il est ordonné à la reconnaissance de la différence en soi et en l’autre, la loi est, elle, l’expression et la garantie du désir. Elle est, au niveau formel de l’expression, comme à celui agissant de la structure, ce qui médiatise les hommes entre eux. Elle fait peser, sur la problématique du besoin, l’interdit.
…… L’interdit intériorisé en surmoi ouvre la brèche d’une distance que Mélanie Klein nomme humour. Elle écrit en note à ce texte : « Cette observation qui veut que, lorsque la sévérité du surmoi diminue, les enfants développent un sentiment d’humour, est, me semble-t-il, totalement en accord avec la théorie de Freud sur la nature de l’humour qui, selon lui, est dû à un surmoi aimable ».
……La loi, par contre, est l’œuvre de l’homme dans la mesure où elle devient le support constamment renouvelé où s’articulent la conscience de l’homme et son inconscient. L’interdit de la loi n’a de sens pour l’homme que s’il ouvre, pour lui, le champ indéfini de la découverte de lui-même jusqu’en la question de son origine et de son sexe, de sa vie et de sa mort
(Denis Vasse, Le temps du désir )

La mEditation
Arnaud Desjardins « La méditation c’est l’ouverture à l’élan vital non duel, non conflictuel. C’est découvrir simplement : je vis ! Je suis vivant, animé de cette énergie infinie qui est non pas ma vie, mais la Vie. Tout est là. Je dépasse ma vie, dans laquelle inévitablement j’étouffe, quelles que soient mes réussites, et je découvre que je suis une expression de la Vie universelle, de l’énergie divine, celle qui anime les oiseaux que nous entendons chanter, les feuilles qui palpitent dans le vent, les petites pousses vertes du printemps, la vie qui anime chaque atome et qui prend en nous sa forme la plus évoluée, prajna : conscience, sagesse, compréhension ». (Arnaud Desjardins, L’audace de vivre)

Le FEminin
Clarissa Pinkola Estés « Femmes qui courent avec les loups »
« Clés pour le féminin, Femme, mère, amante et fille », Sous la direction de Jacqueline schaffer, Monique Cournut-Janin, Sylvie-Faure-Pragier, Florence Guignard
« Femme, ombres et lumières » Adire n° 18, Revue d’Analyse Psycho-Organique

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